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Il est né sur les bords de la Bruche

Maxime Alexandre :
la vie et la pêche au-dessus de la poésie

"Il blaguait en alsacien et adorait Lewis Carrol. Il plaçait la vie et la pêche au-dessus de la poésie. Le brochet, ça c'était important pour lui".*

Lorsque Berthe Alexandre évoque la mémoire de son mari, l'écrivain et poète Maxime Alexandre, on a l'impression qu'elle veut le faire descendre de son nuage. Le replacer dans son milieu naturel.
II est vrai que né sur les bords de la Bruche, à Wolfisheim (in Wolfze bie de Hanauer), au 46 de la rue de la Mairie, le 24 janvier 1899, Maxime Alexandre ne peut qu'aimer l'élément liquide et le célébrer dans ses vers : "Le long du fleuve, les passeurs vantent Les plaisirs de l'eau". Ou, parlant de son lieu de naissance : "Je suis né dans un village/Qui ne plaît qu'à moi/En réalité je suis né dans la maison d'un village situé entre/Un certain ciel et un certain champ de fleurs".

Sa famille appartient à la bourgeoisie juive d'Alsace. Sa langue maternelle est évidemment l'allemand. Mais, durant la Première guerre mondiale, ses parents se réfugient en Suisse et il apprend le français à l'Université de Lausanne. II entre en contact avec les dadaïstes et les pacifistes à Zurich et à Berne et fait la connaissance de Jean Arp et de René Schickelé qui restera un de ses meilleurs amis. Rentré en Alsace en 1919, le temps d'obtenir une licence de lettres à la Faculté de Strasbourg et le voilà à Paris avec Louis Aragon (1923). Séduit par le communisme, plus par amour envers les pauvres que par conviction politique, il collabore à "L'Humanité". II adhère ensuite au mouvement surréaliste d'André Breton et Paul Valéry le nomme d'ailleurs le "Virgile du surréalisme". Ce surréalisme qu'il qualifie dans son Journal de "belle plate-forme juchée au sommet de l'édifice, face à la nuit éternelle". Ce surréalisme qu'il abandonnera bientôt, sans jamais le renier, comme il ne reniera jamais le judaïsme après s'être converti au catholicisme en 1949, son parrain étant Paul Claudel dont il apprécie "le côté farceur et frondeur". Et après avoir épousé en 1939 Berthe Dietrich qui lui donnera deux enfants : Ariel, un an après et Sylvia en 1942.

En 1953, apprenant l'existence de l' "Association de la Jeunesse Poétique d'Alsace" que je viens de fonder avec mon camarade de classe du Collège Moderne, Gérard Dagon, il s'empresse de me témoigner sa sympathie et m'assure de son soutien.

Professeur à Saint-Dié dans les années 60, il revient à Strasbourg en 1974 mais, malade depuis quelque temps et éprouvant de plus en plus de difficulté à écrire, il se met au dessin. Ce sera sa dernière passion. II meurt en effet le 12 septembre 1976 et repose au cimetière de Rosheim.

Dans "L'Histoire de la littérature en Alsace", Eros Vicari conclut le chapitre qu'il consacre à celui que d'aucuns considèrent comme un des phares du bilinguisme, par une sorte d'appel à plus de reconnaissance : "Après quarante ans d'intense activité littéraire, riche d'une inspiration qui ne s'est jamais éteinte, Maxime Alexandre a laissé, en plus de Cassandre de Bourgogne et du Juif errant, douze recueils de poèmes, plusieurs essais dont un consacré à Hölderlin et de très nombreux manuscrits inédits. Hoffet soutient en polémiste que la célébrité d'Alexandre est inférieure à celle qu'il méritait".

                                                                                                                                                         Gilbert WAGNER

* "Dernières Nouvelles d'Alsace" du 29 octobre 1996

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